•  Hypothèse Sapir-Whorf

     
    L'hypothèse Sapir-Whorf, formulée dans les années 30 par le linguiste américain Benjamin Whorf en se basant sur les idées de son professeur Edward Sapir,postule l'existence d'une forte relativité linguisitique : les différentes langues, selon Whorf, ne sont pas autant de collections d'étiquettes, mais autant de visions du monde :
    Le fait est que la "réalité" est, dans une grande mesure, inconsciemment construite à partir des habitudes langagières du groupe. Deux langues ne sont jamais suffisamment semblables pour être considérées comme représentant la même réalité sociale. Les mondes où vivent des sociétés différentes sont des mondes distincts, pas simplement le même monde avec d'autres étiquettes. 

    L'idée que les cultures humaines sont influencées par leur langue n'est pas neuve ( même en 1930 ). On sait que les Esquimaux ont une centaine de mots différents pour désigner la neige...

    l'hypothèse Sapir-Whorf ne se base pas sur les variations du lexique mais sur celles des structures grammaticales, censées correspondre à des modes de pensée profonds, inhérents au langage, que Whorf appelle des cryptotypes. Vous ne percevez pas la réalité de la même façon selon que vous êtes un anglophone ou un indien Hopi de l'Arizona :
     

    Selon Whorf, la langue hopi ne comporte aucune marque du passé, du présent et de l'avenir, mais des formes de validité (selon que la chose est vue ou rapportée de mémoire), des aspects (selon que les choses durent, ou tendent vers une autre) et des modes (qui marquent l'ordre des faits). Il en déduit que les Hopis ne conçoivent pas le temps comme les Européens. Ce n'est pas une durée homogène et quantifiable, mais un « passage » plus ou moins intense d'un fait à un autre. 
    Dominante jusqu'aux années 60, l'hypothèse de Sapir-Whorf a été battue en brèche par les tenants du courant innéiste, représenté entre autres par Jean Piaget et Noam Chomsky, qui préférait faire correspondre le fonctionnement de la pensée avec desmécanismes neuropsychologiques fondamentaux et universels. 

    Depuis une dizaine d'années, le grand balancier de la mode scientifique semble en train de revenir vers un certain relativisme linguistique.  Repenser la relativité des langues, certes, mais sans revenir au déterminisme linguistique que suggère l'hypothèse Sapir-Whorf : si le langage structure et façonne effectivement la perception du réel, il reste possible d'échapper à cette prison de la langue, ne serait-ce qu'en en apprenant une autre !

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